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Le kabbaliste de Prague, de Marek Halter

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La Kabbale affirme qu’un homme pur peut, ainsi que Dieu, engendrer la vie par la seule grâce du verbe… A la fin du XVIe siècle, dans le ghetto de Prague, le rabbin MaHaRal, le plus grand kabbaliste de tous les temps, façonne un être de boue à la force illimitée qui doit apporter la sécurité à son peuple : le Golem.

Alors que je ne le connaissais que de nom, j’ai découvert les talents de conteur de Marek Halter lors d’une émission de 2000 ans d’histoire (maintenant remplacée par La marche de l’histoire) où il évoquait les fêtes juives. Ce passeur de mémoire tente d’entretenir ce qu’il reste de la culture juive, ses mythes, ses figures et que deux millénaires d’antisémitisme, dont la Shoah constitue unsummum dans l’horreur, n’auront pas totalement détruit.

L’histoire se déroule au siècle des étoiles et des mandragores, des grandes découvertes et des guerres de religion, le XVIe siècle, que je crois être l’un des plus déterminants dans l’histoire de l’humanité. On suit les aventures plus ou moins imaginaires d’un personnage ayant réellement existé, David Gans, « une oie parmi les aigles », un homme rempli de sagesse et à la soif insatiable de connaissances, qui fréquente et admire les esprits les plus éclairés de son temps. Parmi ces savants, le rabbin MaHaRal, son maître, adepte de la Kabbale, dont la puissance de l’esprit va se manifester de manière prodigieuse, par la création d’un Golem, destiné à protéger les Juifs du ghetto de Prague. Car malheureusement à cette époque troublée, Chrétiens et Réformés s’entendaient sur une chose : les Juifs étaient la cause de leurs malheurs.

Avec le Golem, le MaHaRal se fait démiurge et comme Dieu avec Adam, il façonne une créature à partir de boue (celle de la Vlatva, plus connue sous le nom de Moldau) qu’il anime grâce à la force du Verbe. Puisque l’astronomie bouleverse les croyances, notamment religieuses, en faisant du Ciel la demeure, non plus de Dieu, mais des étoiles et des planètes, c’est que la demeure de Dieu est ailleurs : dans le Verbe, car « Au commencement était le Verbe ». C’est l’un des rares mystères que l’on peut aisément comprendre de la Kabbale et de son livre phare le Zohar (ou « Livre de la Splendeur »). Mais cette connaissance laisse place à des centaines d’autres questions, car, dit le narrateur, la Kabbale est un jardin où l’on se perd aisément.

Je ne veux pas vous gâcher le plaisir d’une éventuelle lecture que je ne saurais que trop vous conseiller. Comme Amin Maalouf que j’apprécie également, Marek Halter nous raconte de passionnantes histoires, de son style fluide et poétique à la fois, et nous plonge dans sa culture, celle des Juifs d’Europe centrale. Dès les premières pages, avec de très beaux passages sur l’éternité du Verbe, la clef du récit, on est entraîné dans la Prague de Rodolphe II. Mais comme toutes les légendes, celle du Golem révèle des enseignements moraux sur l’homme, la folie qu’il y a à vouloir prétendre être l’égal de Dieu, la technique qui sert et asservit l’homme…

Je vous laisse sur cette citation tirée du Kabbaliste de Prague et cette interview de Marek Halter sur France Info, dans laquelle il évoque, très rapidement, le fait que l’étranger est peut-être aujourd’hui notre Golem : on l’aime tant qu’il nous est utile, il encaisse les brimades sans s’exprimer (ou sans qu’on prenne la peine de l’écouter ?) mais le jour où il se révolte contre l’asservissement dont il est victime, on ne veut plus de lui.

Il me semblait être au coeur d’un continuel tumulte, soumis à l’incertitude et aux caprices de ceux qui avaient fait le siècle. Mais je sais depuis que j’ai goûté l’un des plus grands bonheurs qui soient donnés aux hommes : la liberté et la jouissance de l’intelligence ; l’usage sans limites de leur esprit dans la quête de la compréhension du monde.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 


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